Le choix du matériau dans l’improvisation musicale (2)
Bonjour chez vous…
Matériau : [materjo] n. m. sing. « Toute matière utilisée pour fabriquer ou construire ».
On trouve généralement ce vocabulaire dans le monde du bâtiment et c’est une bonne comparaison avec l’improvisation musicale.
Asseoir des bases solides, des fondations résistantes à son futur édifice est le premier travail qui incombe à l’architecte. Ce travail est d’une importance fondamentale au risque de voir son œuvre anéantie au moindre caprice météorologique.
Construire une improvisation musicale revêt les mêmes exigences de solidité rythmique et mélodique.
Pour aborder au mieux les couleurs de base dont je vous parlais précédemment (majeure, mineure, augmentée et diminuée qui sont des concepts de couleur musicale), un moyen consiste à s’intéresser un instant aux « triads ».
« Triad » est un terme musical anglo-saxon qui n’a pas vraiment d’équivalent en français, c’est pourquoi par respect pour la langue de Shakespeare, j’adopterai parfois cette orthographe.
On peut traduire « triad » par un ensemble de trois éléments pris dans leur globalité.
Quels sont ces trois éléments et en quoi ce matériau est-il intéressant ?
Pour chacune des douze gammes (majeures, mineures, augmentées et diminuées), on isole les éléments suivants : la tonique, la tierce et la quinte.
On utilise les chiffres arabes pour exprimer ces éléments de la gamme. Ainsi, la tonique sera chiffrée 1 (il s’agit du centre tonal).
La tierce sera chiffrée 3 et la quinte sera chiffrée 5.
Ces trois éléments sont les « meilleurs représentants » de la couleur de la gamme. C’est en quelque sorte leur ADN qui les rend uniques et immédiatement authentifiables.
Pour la triade majeure, on note : 1-3-5 (la tierce est majeure et la quinte est juste).
Pour la triade mineure, on note : 1-b3-5 (la tierce est mineure, c’est à dire abaissée d’un demi ton).
Pour la triade augmentée on note : 1-3-#5 (la quinte est augmentée).
Pour la triade diminuée on note : 1-b3-b5 (la tierce ainsi que la quinte sont abaissées d’un demi ton).
Avec chaque « triad », on obtient six combinaisons différentes que l’on appelle renversements ou permutations.
Par exemple, sur la « triad » majeure, il est possible de faire les six renversements suivants :
1-3-5 – 1-5-3 – 3-1-5 – 3-5-1 – 5-1-3 – 5-3-1.
Certains d’entre vous pourraient se sentir (à juste titre) quelque peu déconcertés par cette vision « mathématique » de la musique, mais tout ceci n’est qu’un moyen (parmi tant d’autres) pour parvenir à trois objectifs majeurs dans votre rôle d’improvisateur.
Les objectifs de l’improvisateur
Objectif auditif :
Entendre les « triads » conduit peu à peu à entendre les gammes qui en sont issues avec plus de précision et d’assurance. Ceci est important pour le développement de l’oreille, l’anticipation et la spontanéité.
Objectif technique :
Manipuler les « triads » sur l’instrument, et dans les douze tonalités est un exercice technique délicat pour les doigts habitués en général à un parcours plutôt linéaire avec l’étude des gammes.
En effet, lorsque l’on pratique des renversements de « triads », on joue forcément de grands intervalles, tout en restant dans la gamme (octaves, tierces, quintes et quartes par exemple). Ceci est difficile d’un point de vue technique, mais à terme, tellement efficace pour sortir d’un jeu trop linéaire basé sur les gammes.
Objectif de musicalité :
C’est le but ultime et il ne faut jamais le perdre de vue.
Rendre musicales ces « triads », par une pratique rigoureuse et méthodique (au départ), pour ensuite les mélanger, les briser, les renverser.
Avoir une approche de type essai/erreur pour selectionner ce qui fonctionne et bannir ce qui ne fonctionne pas.
La pratique des triades permet de s’amuser à moindre frais. On libère une immense chage mentale en restant focus sur 3 notes uniquement. Une fois ce « matériau » digéré, on s’en détache pour donner vie aux notes, au gré de son envie et de l’environnement sonore qui nous entoure.
C’est là aussi qu’émerge la personnalité musicale ainsi que des automatismes mélodiques et rythmiques. C’est à ce stade que l’on peut percevoir l’influence personnelle que l’on peut avoir sur la musique, le sentiment d’être créatif et inventif, en prenant du plaisir avec son instrument.
Relire l’article : Au coeur de la création musicale.
Inventer des rythmes, créer des combinaisons mélodiques (dans les douze tons et avec les quatre couleurs fondamentales) aide dans l’élaboration d’un vrai discours improvisé avec un matériau restreint : les « triads ».
Je vous invite donc à y passer un peu de temps dans votre pratique musicale quotidienne en ayant à l’esprit deux grands principes :
Les principes pour une bonne pratique musicale
Privilégiez la pratique de mémoire. C’est un peu plus facile de penser « gamme de trois notes ». Au besoin, je vous fournirai des PDF mais souvenez vous que dans le domaine de l’improvisation musicale, il faut arriver à bannir le support visuel pour se concentrer sur d’autres éléments de la musique, (notamment le développement de l’oreille, son et le rythme).
Pratiquer le « TTT », c’est à dire Travailler dans Tous les Tons.
Tous les morceaux ne sont pas dans la tonalité de do majeur… Ce serait bien triste.
Il vous faudra explorer toutes les tonalités dans des « cycles » pour égaliser votre connaissance de cette « gamme de trois notes ». Par exemple dans le cycle des quintes, cycle chromatique, cycle par ton etc…
Je vous fournirai un document représentant tous les cycles que l’on peut répertorier.
Dans le prochain article, je vous proposerai un petit rappel sur le chiffrage des « triads ». En effet dans le système anglo-saxon, on utilise des lettres plutôt que des notes pour exprimer un accord.
Je vous proposerai aussi un « programme de travail » pour pratiquer, ainsi que des exemples sur mon utilisation des « triads » dans un contexte de travail et dans un contexte musical.
Enjoy & Practice !